Une vision cinématographique de l'improvisation
Approcher la musique du cinéma, non pas comme catalogue d’œuvre mais comme ensemble de techniques, inscrire le zoom, le personnage, le travelling, le hors champs dans le processus d’improvisation.
Cette idée, si l'on n'oublie pas l'essentiel (Jean-Luc Godard : "le cinéma n'est pas un ensemble de technique, ni un art mais un mystère") , ouvre d’emblée de nombreuses portes.
Balayer l’espace sonore, le rapprocher, jouer avec, jouer contre les autres, tout contre, participer à la conversation, parler d’une autre manière que les autres, parler moins fort pour être entendu, alors qu’on ne vous voit pas, se taire en gros plan, voir les autres se taire, raconter une autre histoire, faire pénétrer un nouveau personnage, incongru, invité, attendu, hostile, timide, impatient.
J’ai proposé à Jean-Jacques Avenel, Didier petit, Jacques Di Donato, Thierry Waziniak, des personnages, des mouvements, sous formes de haïkus musicaux, qui tissent à l’intérieur de l’orchestre quelques fils cinématographiques.
Ces haïkus sont tirés de mon travail de création pour le cinéma muet (Centre Pompidou, cinémathèque française, musée d’Orsay, festival de La rochelle - Fritz Lang, Jean Renoir, Carl Dreyer, Victor Sjöström ), travail où j’ai puisé, en improvisant longuement avec les films, l’essence d’un personnage, d’une situation, d’un climat, d’un mouvement.
Ces haïkus sont forts en ceci qu’ils puisent dans le film qui les a fait naître leur singularité, ils me donnent ainsi des éléments intimes de chef d’œuvres, reflètent un univers, donnent un visage.
Chacun est libre maintenant au sein de l’orchestre d’écrire une histoire, une architecture, stimulé en permanence par les autres musiciens, proches (dans le champ), ou éloignés, comme une autre couche musicale (hors champs), une histoire où d’étranges personnages, se croisent, se parlent, se taisent : vivent.
Gaël Mevel
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